«Supermenteur» pris la main dans le sac
Le 12 février 2007, nous tirions déjà la sonnette d’alarme en nous interrogeant lourdement. «La perspective de la retraite politique rend-elle le président français fou ?». C’est vrai que nous sommes impolis par principe quand il s’agit du sortant de l’Elysée, mais cette question relevait plus de l’incrédulité sincère que de la provocation rituelle. Comment ne pas être complètement interloqué quand, la main sur le cœur, le futur ex-président français confesse, dans un livre d’entretiens avec Pierre Péan (L’Inconnu de l’Elysée), avoir été, en secret et pendant plusieurs décennies, porteur de valises pour le compte de l’ANC ? «J’ai été militant de l’ANC de Mandela depuis la fin des années 60, le début des années 70. J’ai été approché par Hassan II, le roi du Maroc, pour aider au financement de l’ANC», a-t-il raconté avec aplomb au journaliste confesseur.
Mentir avec un panache fou : tel est le sommet de l’art chiraquien, tel est le legs qu’il laissera aux futurs générations de politiciens. En effet, tous ceux qui ont un peu de culture ont su, dès qu’ils ont lu la fable du locataire de l’Elysée, qu’elle était très peu crédible. Au début des années 1990, Jacques Chirac citait, dans une interview à Jeune Afrique Economie, parmi ses amis africains et au milieu de dictateurs françafricains, Mangosothu Buthelezi, leader de l’Inkhata Zulu. Dans la même interview, il traitait l’ANC de parti tribal xhosa avec une virulence qui avait laissé ses interviewers perplexes. Hassan II, l’ancien roi du Maroc (décédé et qui ne peut donc plus témoigner), a été plusieurs fois accusé par des dignitaires de l’ANC de soutenir l’apartheid. Entre 1986 et 1988, le gouvernement dirigé par Jacques Chirac a livré des armes aux dirigeants sud-africains de la période de l’apartheid. On se souvient également que Jacques Chirac était Premier ministre lors de l’assassinat à Paris de Dulcie September, perpétré conjointement par les services secrets français et sud-africain de cette époque maudite !
Les racontars de Jacques Chirac étaient si peu crédibles que son interviewer, pourtant tout de complaisance, l’avait pressé de donner des preuves de ce qu’il avançait. «Qui pourrait confirmer votre engagement ?». «Mandela», avait répondu Jacques Chirac. «Il était en prison ? Qui d’autre ?», avait insisté le journaliste. «Probablement Desmond Tutu», avait osé le président.
Manque de pot ! Aux dernières nouvelles, l’hebdomadaire français Le Point a demandé à l’archevêque sud-africain de confirmer le «scoop» du Corrézien. «Je ne sais rien de cette histoire et je n’en ai jamais entendu parler», a protesté Tutu, catégorique. La preuve est faite : Jacques Chirac a menti.
Malheureusement, cette mise au point tient dans une brève qui n’a été reprise par aucune agence de presse et qui n’a donné lieu à aucune polémique. Cette histoire nous édifie sur le caractère profondément amoral de Jacques Chirac, mais aussi sur la tolérance des médias et de l’opinion publique de France dès que les mensonges de leurs dirigeants concernent l’Afrique. Elle montre également que les ennemis de l’Afrique ont toujours recours au révisionnisme le plus outrancier. Ils font disparaître leurs forfaits dans toutes les mémoires pour se poser en sauveurs du continent et dénigrer les Africains à leurs propres yeux, en les érigeant en uniques responsables de leurs malheurs. Supermenteur est pris la main dans le sac. Mais pas grand monde ne le sait. Nous devons la crier, cette vérité dérangeante !