Gouvernement Soro I : un immobilisme pré-électoral
Que penser du gouvernement Soro I ? Beaucoup de choses seront écrites au sujet de l'attelage gouvernemental qui doit conduire la Côte d'Ivoire à la paix par les élections. Mais l'on peut oser quelques remarques générales. Premièrement, le grand chamboulement annoncé n'a pas eu lieu. Là où beaucoup attendaient une rupture totale avec l'esprit de Linas-Marcoussis, l'on sent confusément que le passé continue d'habiter le présent. La "dictature des partis politiques" continue de prévaloir. Sur les huit ministres de l'équipe Banny écartés dans la nouvelle équipe, sept sont issus de la "société civile" (avec toute l'hypocrisie que recèle ce terme), et le seul qui provient d'un parti politique, Joël N'Guessan du MFA, est en rupture de ban avec sa hiérarchie.
La future élection présidentielle est dans l'esprit des principaux candidats à la magistrature suprême. Pour Gbagbo, il n'était pas question de fragiliser les ministres qui sont également, pour beaucoup, directeurs départementaux de campagne (DDC) en faisant la promotion de jeunes loups aux dents longues qui viendraient leur contester la suprématie locales dans leurs fiefs respectifs. Par ailleurs, les nouveaux entrants ont été choisis sur des critères relevant strictement de la géopolitique électorale. Gilbert Bleu Lainé, ancien député-maire PDCI, ex-baron guéiste, est revenu d'Inde, où il était ambassadeur. Pour être ministre de l'Education nationale, certes. Mais surtout pour percer profondément le pays yacouba, l'arracher à l'UDPCI tendance Mabri Toikeusse et le ramener dans la République. Le très peu connu Augustin Kouadio Komoé, inspecteur d'Etat, vient au ministère de la Culture. Mais son rôle est visiblement d'être un "missile anti-Adjoumani" dans le département de Tanda. Gbagbo veut renforcer sa présence dans le Nord-Est, qui est une terre de conquête fertile pour lui.
Quant à Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, ils n'ont pas voulu régler des comptes internes à leur parti. Ils n'ont pas, comme certains l'imaginaient, puni les "sous-marins vert-bleu" favorables au tandem Gbagbo-Soro pour l'un, et les "bannyistes" pour l'autre. Acculés, marginalisés par la nouvelle formule de règlement de la crise, les "meilleurs vieux" de l'houphouétisme avaient pour préoccupation principale de maintenir l'existant, même s'ils ne peuvent ignorer que Gbagbo, qui contrôle plus de ministères qu'eux deux réunis (y compris la Défense et l'Intérieur), et va de victoire en victoire au point de vue diplomatique, a plusieurs longueurs d'avance sur eux.
Le premier (et dernier ?) gouvernement Soro reste un gouvernement de sortie de crise, avec tout ce que cela comporte de compromis et de neutralisations réciproques. Le renouvellement du suffrage universel n'est pas encore venu pour balayer les impostures et les contraintes immorales nées d'une configuration qui ne peut disparaître qu'à l'occasion d'une victoire militaire ou d'un triomphe électoral. L'esprit est permis, mais l'âge d'or de la Côte d'Ivoire n'est pas encore arrivé.