Nicolas l'Africain ?
Le jeune Africain musclé et déshérité, salivant aux portes d'une Europe prospère et bien décidée à lui fermer la porte, hante-t-il les cauchemars de Nicolas Sarkozy, candidat UMP à la prochaine présidentielle française ? Il a en tout cas annoncé, dans une interview sur TF1 hier soir, que son premier voyage extra-européen sera pour l'Afrique, continent à la démographie explosive : "Si je suis élu président de la République, j'irai d'abord à Berlin et à Bruxelles pour relancer l'Europe et affirmer l'axe franco-allemand. Et mon premier voyage sera pour l'Afrique. Il y a 450 millions de jeunes Africains qui ont moins de 17 ans. Il faut créer les conditions de développement de l'Afrique parce que ces 450 millions de jeunes Africains ne peuvent pas espérer du travail, un emploi chez nous."
Que veut donc dire Nicolas Sarkozy ? Que l'Afrique sera un des axes prioritaires de sa diplomatie ? Cela est évident, et va à l'encontre de toutes les analyses qui annoncaient une nouvelle politique d'indifférence au continent noir dès le départ du pouvoir de Jacques Chirac et de sa génération. Sarkozy explique aux Français qu'il ne doivent pas se désintéresser à l'Afrique parce que sinon, elle vomirait des millions de jeunes désespérés allant à l'assaut de la citadelle Europe. L'analyse n'est pas tout à fait fausse. La démographie africaine est telle que le continent doit avoir une très forte croissance, durant plusieurs décennies, s'il veut pouvoir continuer de nourrir et de fournir à ses enfants des espérances saines.
Mais comment Nicolas Sarkozy créera-t-il "les conditions de développement de l'Afrique" ? On aimerait lui dire que, justement, une des manières de le faire est de rester loin du continent "berceau de l'humanité", qui a bien trop souffert de ceux qui disaient vouloir l'aider et veut désormais réinventer son avenir, en s'interrogeant sur lui-même et en choisissant librement ses partenaires. C'est peut-être un peu trop abrupt. Ce n'est pas assez pédagogique.
Nicolas Sarkozy ne fait pas de mystère de son amitié pour Omar Bongo et Denis Sassou N'Guesso, deux kleptocrates de l'Afrique pétrolière. Nous lui conseillons de lire et de faire lire "Afrique : pillage à huis clos" de Xavier Harel, journaliste au quotidien économique La Tribune, qui raconte comment les amis du probable futur président africain, en compagnie d'hommes d'affaires souvent français et parfois proches de la droite, siphonnent le pétrole africain. Créer les conditions de développement au Gabon et au Congo, c'est geler les avoirs en France de leurs présidents, malgré les "petits cadeaux" qu'a pu faire un Bongo venu jouer au "Père Noël" fin mars à Paris.
Créer les conditions de développement en Afrique, c'est retirer les troupes françaises qui protègent des dictateurs-putschistes comme Idriss Déby Itno (Tchad). C'est laisser se faire la réforme d'un franc CFA dont le seul objectif est de lier les économies africaines. C'est cesser de soutenir les rébellions qui enrôlent et vampirisent une partie non négligeable des 450 millions d'Africains de moins de 17 ans dont parle Nicolas Sarkozy. C'est cesser de soutenir les multinationales françaises qui, fortes du soutien de l'exécutif élyséen, se taillent des marges incroyables en Afrique dans certains secteurs-clés des économies africaines, concourant au renchérissement de la vie, qui lui-même aboutit aux envies d'émigration.
On ne peut pas à la fois consolider le "sage" Omar Bongo et donner au "jeune Africain de moins de 17 ans" des raisons d'espérer à un avenir meilleur chez lui. Toute initiative française qui ne brise pas d'emblée cette contradiction n'est que perpétuation idéologiquement enjolivée de la Françafrique. Et doit être combattue comme telle.