Abidjan, perle des ordures ?
Les Abidjanais ont-ils mal à leur cadre de vie ? Oui, si l'on en croit un sondage réalisé par Axes Marketing à l'occasion du salon de l'architecture et du bâtiment (Archibat 2007). En effet, 97% d'entre eux estiment que leur ville "est très sale". Ils sont 91% à penser que les "prix de loyers et de vente des logements sont très élevés", que "les bâtiments ne sont pas entretenus", que "l'insécurité règne", qu'il y a "trop nuisances sonores" et qu'Abidjan est "surpeuplée". Une quasi-unanimité en forme de désaveu pour toutes les administrations, décentralisées ou non, chargées de veiller sur la salubrité de la principale métropole ivoirienne.
Mais ce "consensus" est-il sincère ? Il aurait été intéressant que les personnes faisant partie du panel d'Axes Marketing passent à table et disent à quelle fréquence elles "balancent" leurs détritus dans la rue, de leur voiture ou quand elles sont à pied. Il serait intéressant qu'elles disent si elles sont des consommatrices régulières de "Tampico" et autres produits "écolocatastrophiques". Il faudrait qu'elles évoquent leurs propres façades, qu'elles habitent dans des villas individuelles ou dans des appartements au sein de grands immeubles.
Si Abidjan est sale, peut-être est-ce parce que les Abidjanais sont sales. Petite anecdote : je suis dans un immeuble de quatre niveaux. Depuis plusieurs semaines, un des propriétaires reconstruit presque entièrement son appartement situé au premier étage. Le sable, le ciment, les graviers, la poussière salissent les escaliers. Quand ils finissent leur travail, les ouvriers se lavent et se font beaux, mais laissent les parties communes dans un état détestable. Quand je le leur ai fait remarquer, ils m'ont dit qu'ils étaient des "êtres humains", contrairement aux escaliers ! Voilà notre manière bien particulière de dissocier notre corps de notre environnement, surtout quand cet environnement relève d'une responsabilité collective ! Elle est, en grande partie, responsable de la transformation de la perle des lagunes en perle des ordures !
Les exemples de délinquance environnementale sont légion dans mon quartier. Régulièrement, des gardiens d'immeuble brûlent soit les feuilles des arbres qu'ils ont abattus, soit l'empilement de sacs en plastique que nous jetons partout avec désinvolture. Moi qui ai des asthmatiques dans ma famille, je ne vous raconte pas les débuts de crise et les départs en catastrophe à l'hôtel pour ne pas se contaminer davantage. Je vous épargne mes plaidoyers tombant dans le vide sur les fumées de déchets domestiques et industriels qui sont eux aussi, comme les boues de Trafigura et du Probo Koala, des déchets toxiques ! Tout le monde s'en f.... !
Il y a quelques mois, je suis allé à la police me plaindre des "feux de brousse urbains" dans mon quartier, après avoir été insulté par un de leurs initiateurs. Je suis allé dans deux commissariats, et les policiers m'ont pris pour un doux dingue et m'ont demandé de m'entendre avec mes voisins.
Il est bon de signaler que je vis dans la commune de Cocody, considérée comme celle où l'on vit le mieux par 66% d'Abidjanais, devant Yopougon (14%), Marcory (6%), Plateau (4%), Treichville (2%), Port-Bouët (2%), Koumassi (2%), Attécoubé (2%), Adjamé (1%) et Abobo (0%).
Puisqu'il faut être constructif, je ne saurais terminer ce petit billet coup de gueule sans faire une proposition : le gouvernement (ou le Parlement) devrait faire voter une loi régissant le secteur de la copropriété, c'est-à-dire les espaces partagés au sein des immeubles et des quartiers. Les syndics de copropriété devraient voir leurs prérogatives et leurs devoirs renforcés pour que l'impunité environnementale cesse. Qu'en pensez-vous ?
PS : L'image est de de Djé, du blog http://y-voir-plus.blogspot.com/.