Antipatriotisme à l'ivoirienne !
Curieux tout de même ! Alors que les chefs d'Etat, les leaders d'opinion et les intellectuels des pays membres de l'UEMOA semblent avoir adopté une attitude conciliante vis-à-vis de la Côte d'Ivoire et ont visiblement renoncé à profiter de la crise qu'elle traverse pour remettre en question la tradition voulant que le pays d'Houphouët-Boigny désigne le gouverneur de la BCEAO, une campagne de plus en plus virulente s'est déclenchée, à Abidjan même. Son objectif ? Empêcher Paul-Antoine Bohoun Bouabré, ex-grand argentier du pays et ministre d'Etat, ministre du Développement, de devenir gouverneur... parce qu'il est FPI !
Un des meneurs de cette campagne qui illustre bien une étrange forme d'"antipatriotisme à l'ivoirienne" est... Venance Konan. Il vient de publier dans plusieurs journaux un article qui dénigre Bouabré et fait la promotion d'un autre Ivoirien, en la personne de Théophile Ahoua N'doli, ancien ministre PDCI, dont le profil plairait plus - selon ses "informations" - aux autres pays membres de l'UEMOA. Pourquoi Venance Konan fait-il chorus avec ceux (s'ils existent) qui ne veulent d'un Ivoirien à la tête de la Banque que s'ils l'ont choisi à la place du président de la République de Côte d'Ivoire ? Pourquoi n'a-t-on pas entendu les démocrates aux Etats-Unis intriguer pour empêcher la nomination de Robert Zoellick à la tête de la Banque mondiale ? Pourquoi n'a-t-on pas entendu des voix en France s'élever contre le choix du "petit prof de fac socialiste" Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international ? Si après plus de cinq années d'un conflit tirant sa force de l'assujettissement d'une bonne partie de l'élite politique ivoirienne à des agendas extérieurs, on peut continuer, en Côte d'Ivoire, à mener sans vergogne ce type de campagne, c'est qu'il y a lieu de s'inquiéter pour ce pays. Les leçons du passé n'auraient-elles pas été tirées ?
Venance Konan n'hésite pas à faire dans la caricature aveugle, voire le révisionnisme. "Notre chef l'a dit, lors de sa dernière entrevue télévisée avec les journalistes. Il a choisi Bohoun Bouabré parce qu'il est proche de lui. Les autres sont certes Ivoiriens mais ils ont le défaut de ne pas être proches du chef de l'Etat. Et quiconque n'est pas proche du grand chef n'a pas le droit de servir la Côte d'Ivoire au plus niveau à l'extérieur", écrit Venance Konan. N'est-ce pas ce même grand chef qui a mené campagne pour qu'Amara Essy, ancien chef de la diplomatie ivoirienne et membre éminent du PDCI, soit président de la Commission de l'Union africaine ? L'Histoire est têtue : Laurent Gbagbo est le chef d'Etat ivoirien qui a le plus partagé le pouvoir et valorisé des cadres non issus de sa famille politique. Son oecuménisme politique est rare en Afrique, et il suffit d'observer les moeurs de nombreux chefs d'Etat du continent pour le démontrer scientifiquement.
Le problème, c'est en réalité le sectarisme politique d'hier et d'aujourd'hui de gens comme Venance Konan persuadés qu'il y a des êtres humains nés pour gouverner et d'autres êtres humains nés pour être gouvernés. Les amis européens de notre confrère oublient souvent qu'il a été un des propagateurs les plus perfides de l'ivoirité la plus dévoyée. Paul-Antoine Bohoun Bouabré devrait se sentir honoré de ne pas avoir son soutien.
L'intégralité de l'article de Venance Konan :